Echographies fœtales à visée non médicale
Il suffit de cliquer sur Internet pour trouver des offres commerciales d’échographie pour les femmes enceintes. On leur propose, à Paris et dans quatre à cinq villes de province, pour des prix variant de 60 à 140 € des échographies en 3 ou 4 dimensions avec vidéo.
L’exposition aux ultrasons du fœtus est pour les prestations les plus chères de 25 minutes. Ces échographies n’ont aucune finalité médicale mais sont uniquement destinées à donner aux parents une vidéo anténatale de leur enfant.
A contrario, dans le cadre d’une échographie médicale, les bonnes pratiques, selon le CNGOF, incitent l’opérateur à diminuer l’intensité du faisceau ultra sonore à la puissance minimale nécessaire pour obtenir une image de qualité. La sonde est constamment déplacée et l’exposition aux ultrasons de chaque zone du fœtus limitée au temps nécessaire pour examiner la zone fœtale à explorer.
Ce n’est pas le cas dans une échographie commerciale ou l’opérateur n’a aucune formation et va augmenter l’intensité du faisceau pour obtenir la meilleure image télégénique et prolonger l’exposition aux ultrasons de la face, des organes génitaux, des membres pour la beauté des images. Or, les ultrasons même s’ils n’ont pas les effets délétères des rayons X ont des effets physiques connus. Ils produisent sur les tissus humains un effet thermique et un effet mécanique. Ces effets dépendent de la durée, de la fréquence et de la puissance de l’exposition aux ultrasons. Le CNGOF recommande donc de limiter cette exposition au niveau le plus faible possible pour réaliser le diagnostic le meilleur possible, surtout sur des organes sensibles en développement comme le cerveau, l’œil ou l’oreille.
Enfin, la pratique d’échographies fœtales sans visée médicale peut engendrer des découvertes ordinairement effectuées en contexte médical. Ces anomalies vraies ou fausses peuvent perturber la relation mère-enfant, voire conduire à tort à des investigations iatrogènes comme une amniocentèse.
Comme pour tout acte médical, l’échographie obstétricale comporte un bénéfice et un risque, si minime soit-il.
Le comité technique d’échographie a attiré l’attention des autorités sanitaires sur le problème des échographies à visée non médicale dites aussi « ludiques » dès 2004.
L’Académie de médecine y a également donné un avis défavorable en octobre 2004 1 .
L’AFSSAPS (ANSM) a donné un avis le 25 Avril 2005 dans lequel elle recommande aux femmes enceintes de « ne pas exposer inutilement leur fœtus aux ultrasons » et préconise de réserver les échographies fœtales à un usage médical 2.
La Commission nationale d’échographie Obstétricale et fœtale a interpellé en décembre 2011 les autorités sanitaires pour faire réserver les échographies fœtales aux médecins et aux sages-femmes.
En janvier 2012, le Premier ministre a demandé l’avis de la HAS qui a rendu son rapport en juin 20123 dans lequel elle :
- définit l’échographie médicale comme une échographie réalisée dans un but diagnostique, de dépistage ou de suivi et pratiquée par un médecin titulaire d’un diplôme interuniversitaire d’échographie en gynécologie-obstétrique ou une sage-femme, titulaire d’une attestation en échographie obstétricale ;
- rappelle que la pratique commerciale d’échographie sans visée médicale est incompatible avec l’exercice d’un médecin ou une sage-femme, car cela serait contraire à leurs codes de déontologie professionnelle ;
- indique que les dispositifs médicaux doivent, au regard du Code de la santé publique, être utilisés conformément à leur destination. En conséquence, tout appareil échographique mis en circulation sur le territoire français sous un statut de dispositif médical ne doit être utilisé qu’à des fins médicales (et donc uniquement par des professionnels de santé).
La HAS recommande :
- la diffusion et l’encadrement d’une information complète, compréhensible et cohérente pour les femmes et les couples, au sujet de toute échographie fœtale (médicale ou non), notamment en ce qui concerne l’ensemble des risques que ces pratiques peuvent engendrer ;
- l’édiction d’un encadrement juridique de la revente des appareils échographiques (au même titre que les dispositifs médicaux II b et III) ;
- l’évaluation scientifique de l’ensemble des risques (physiques et non physiques) associés à la pratique des échographies fœtales.
Selon le CNGOF, le bon sens indique que le fœtus fragile ne doit pas être exposé inutilement et de façon prolongée aux ultrasons. A ce jour, ni la direction générale de la santé ni la ministre de la Santé n’ont pris aucune décision pour réserver l’usage des échographes aux médecins et aux sages-femmes. En attendant les médecins de famille, les gynécologues obstétriciens, les sages-femmes ont le devoir de dissuader les femmes enceintes d’aller dans ces officines d’échographie commerciale.
Le 5 décembre 2012 Pr Jacques Lansac, Président de la commission national d’échographie obstétricale et fœtale, Ancien Président du Collège des Gynécologues et Obstétriciens Français. Déclaration d'intérêts Consultez la déclaration publique d'intérêts du Pr Jacques Lansac Les propos tenus dans cet article sont sous l'entière responsabilité de leur auteur.
Références :
1. HENRION R. Réserves de l'académie nationale de médecine à l'égard de l'échographie fœtale à visée non médicale Bul.Acad.Natle.med . 2004;188:1201-1203.
2. AFFSAPS. Utilisation non médicale des dispositifs médicaux d’échographie au cours de la grossesse. 2005.
3. HAS. Échographies foetales à visée médicale et non médicale : définitions et compatibilité. 2012.